mardi 1 novembre 2011

Éléonore.


Éléonore accepta l'invitation du Comte Gergely Keresztes avec beaucoup de fierté. Elle avait eu l'occasion de le rencontrer lors des défilés de haute-couture Parisienne et une de ses créations à elle avait eu les éloges de ce richissime aristocrate. Il lui fit envoyer un magnifique bouquet de fleurs ainsi qu'une proposition artistique alléchante.

La créatrice eut beaucoup de mal à prendre la décision de quitter la confection luxueuse de son employeur. Pourtant au fil de ses rencontres avec le notable hongrois, les affinités devinrent de plus en plus pointues. Leurs projets prenaient la forme d'une magnifique robe cousue de perles, de diamants et d'or.

Dans sa demeure en Hongrie, Gergely avait la plus grande collection de poupées au monde. Elles rivalisaient de beauté et faisaient la fierté de leur propriétaire. Peu de gens avaient la chance de les voir, mais la légende disait qu'elles paraissaient presque vivantes et que leur éclat blanchâtre leur donnait l'aspect de jeunes femmes endormies.

Elles étaient toutes de taille humaine, et le Comte mettait un point d'honneur à ce qu'elles soient parées d'une robe fastueuse. Lorsqu'il vit ce dont Éléonore était capable de créer, il décida de l'embaucher pour qu'elle habille sa nouvelle acquisition d'une toilette unique. Par coïncidence, son modèle avait les mêmes mensurations qu'elle.

Pourtant, quelque chose de froidement mystérieux l'empêchait de suivre le Comte dans l'Est du pays Magyar. Après une énième dispute avec son amant suspicieux, elle décida de le quitter et d'accepter le voyage et le contrat mirobolant qui lui étaient offerts. Au début du mois d'août, elle fit ses bagages, et décolla vers Budapest.

À son arrivée, Sandor le chauffeur, l'attendait avec sa luxueuse voiture des années 60 pour l'emmener vers sa demeure pour les prochains mois. Au fur et à mesure qu'ils roulaient vers l'est, des frissons glacés envahissaient la ravissante demoiselle. Lorsqu'ils entrèrent dans la foret, elle eut la très désagréable sensation d'être observée.

Sur les branches des arbres, en pleine journée, des hiboux et des chouettes suivaient la voiture du regard. Elle voulu demander des explications, mais elle sombra dans un sommeil profond et terriblement impénétrable. Lorsque le chauffeur arriva devant les grilles de la bâtisse, la nuit était noire et le brouillard était dense et compact.

Sur la plus haute marche du perron, le Comte se dressait impassible dans une tenue traditionnelle hongroise. Ses cheveux mi-longs étaient détachés et venaient tomber sur ses épaules. Son regard intense planta ses crocs dans l'âme de la douce Éléonore. Tout à coup, elle fut subjuguée par la beauté de cet homme.

Elle sentit ses pieds se dérober sous elle, et se retint. Elle plongea son propre regard dans les yeux de son hôte alors que son corps ne lui répondait plus. Elle se sentait invariablement attirée vers lui, et plus aucun mouvement ne lui permettait de reculer. Elle avait envie de sentir le goût des lèvres et de s'abandonner avec force dans les bras du maître de maison.

Jamais, elle n'avait eu envie d'un homme comme en cet instant. Comment était-il possible qu'il ne lui fût pas apparu aussi splendide lors de leurs rendez-vous parisiens? Elle n'eut pas de réponse autre que celle d'un tourbillon de sensations et de sentiments mélangés. Elle se vit en train de lui faire l'amour, elle se sentit jouir d'un puissant orgasme maléfique.

Elle le chevauchait dans un don total de son corps. Ses seins se dressaient face aux étoiles et étaient secoués par les spasmes de son plaisir. Elle haletait, elle était à bout de souffle, elle n'avait pas connu de possession aussi intense auparavant. Lorsqu'il libéra sa semence en elle, elle s'entendit hurler à la lune, son cri terrifiant de louve se fit entendre à des kilomètres à la ronde.

Elle ne sut pas combien de temps elle avait dormi. À son réveil, Sandor et le Comte la reçurent poliment. La magie de la veille s'était estompée. Son hébergeur lui donnait l'impression d'avoir plus de 1000 ans, alors que le soir de son arrivée, il lui était apparu comme un jeune guerrier prêt à affronter les turcs, et préférant la prendre, elle.

Durant les trois mois qui suivirent, elle ne fut plus attirée par lui, et elle pensa même mettre son délire sexuel sur le compte de la fatigue du voyage. Seulement, elle n'avait plus ses règles. Gergely n'a jamais eu le moindre geste déplacé vers elle, et son major d’homme était d'une discrétion exemplaire. L’œuvre était maintenant prête, et elle acheta son billet de retour.

Pour ce dernier soir, elle avait consigne de venir habillée de la robe qu'elle avait cousue elle même. Elle apparut dans le grand salon, et Sandor mit une valse. Le comte la mena pour une dernière danse. À son contact, elle fut emplie de terreur. Tout en tournoyant, elle voulait s'enfuir, mais une force irrésistible la retenait.

Il se pencha vers elle pour lui souffler des mots d'amour éternel, et il planta ses dents dans sa gorge. En quelques instants, il la vida de son sang. Elle n'eut aucune douleur lorsqu'il enfonça ses griffes à l'intérieur des ses jambes pour arracher l'embryon. Elle était incapable de bouger, prisonnière de son corps, elle entendait simplement des cris et des pleurs.

Ces vociférations venaient de la salle des poupées. Toutes les femmes momifiées criaient leur épouvante de ne jamais être vraiment mortes. Elle se vit dans le miroir portée par le fidèle et son maître. Dans sa robe ensanglantée et époustouflante de délicatesse, la nouvelle pièce venait prendre place auprès des autres. Éléonore se mit à hurler dans un langage inaudible pour les vivants.

«Va cuisiner le fœtus, Sandor. Ces cellules souches me donneront la vie tout au long de la prochaine année ».

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