Qu'avons nous fait?
Comment a-t-on pu en arriver là? Comment notre société peut-elle
laisser tomber ses individus, ses frères, soeurs ou cousins? Comment
est-il possible qu'un homme en vienne à vouloir massacrer ses
semblables avant de se donner la mort? Pourquoi est-ce que cela peut
arriver dans une ville festive comme Liège?
Voilà une partie des
questions qui me viennent ce matin. Que cela arrive dans un pays
comme les USA ne me «choque» plus autant. En effet, Michael Moore
dans son film «Bowling for Columbine» m'a donné beaucoup de clés
pour «comprendre». Mais chez nous, en Belgique, chez moi, chez toi,
chez Noredine? Comment est-ce possible?
Dans notre petit pays
paisible, où nous buvons des bières à profusion en se chamaillant
sur les propos de Wafelman et sur le flamand d'un italien devenu
premier ministre, dans nos contrées où les étudiants se battent
pour le folklore du baptême, dans notre havre de paix où
le tutoiement est de rigueur: qu'est ce qui nous a fait basculer dans
ces cauchemars?
Car il y en a eu
plusieurs. Ce n'est pas seulement le massacre du 13 décembre 2011qui
me révolte, mais également celui du 23 janvier 2009, à Termonde.
C'est chez nous, pas à l'autre bout de la planète dans un des pays
rongés par l'égoïsme, la guerre ou le terrorisme. Non, c'est chez moi, chez
toi, chez Noredine, chez Kim.
Je refuse de croire que
ce sont des malades mentaux qui doivent être condamnés le plus
sévèrement possible, je conteste le fait que ce soit à cause d'une
justice laxiste envers les récidivistes qui les a laissés perpétrer
leurs actes horribles. Je me demande surtout qu'est-ce qui peut
pousser un homme à se lever un matin pour accomplir un acte d'une
barbarie d'un autre âge.
Comment quelqu'un peut-il
haïr une société au point de tuer des bébés, des
femmes, des hommes, des passants? Qu'a fait ou justement n'a pas fait cette
société? Qui n'a pas réussi à tendre une main salvatrice à ces
être humains qui ont choisi
de basculer dans l'assassinat? Quelle profonde douleur n'a pas pu
être apaisée?
Aujourd'hui,
j'ai mal à ma Belgique. Pas la politique qui, somme toute, est bien
futile. Non, à celle
qui est humaine, profondément humaine. Celle qui nous caractérise
en tant que Belges. Les larmes me montent aux yeux en pensant à
toutes ces familles qui ont été privées d'un membre. Mon coeur
saigne pour toutes les victimes, y compris les meurtriers.
Car
ils sont victimes aussi. Ils ne sont pas innocents, leurs actes sont
indignes, innommables, mais Ô combien humains. Leurs tourments ont
été tellement forts qu'ils ont poussé leur être à passer à
l'acte. Leur désespoir, leur colère ou je ne sais quel autre
ressentiment envers Nous a été le déclencheur de ces exécutions
irréversibles et consternantes.
C'est
accablant de voir ces gestes, leur qualification au travers de mots
est presque impossible. Mais les réactions, humaines, le sont tout
autant. Le racisme, la haine envers la haine, les condamnations sans
remise en question sont encore plus déprimantes. Ce sont des êtres
humains qui sont morts, tués par d'autres êtres humains. Au hasard,
froidement, implacablement.
Est-ce
une raison pour prôner la vengeance, la loi du Talion ou stigmatiser
toute une population? Certainement pas. C'est plutôt le moment de se
poser et réfléchir. De montrer notre Solidarité et notre
Compassion envers toutes les familles en empêchant que cela arrive
de nouveau. Il faut que cela serve de leçon à toute la Société,
et qu'elle en tire les conclusions. Mais le veut-elle?
Nous
allons dans une impasse. À force de nous américaniser
nous prenons les mêmes défauts. C'est cela que nous voulons?
Préférerons nous construire des écoles ou des prisons? Choisissons
nous d'être solidaires ou solitaires? Ferons nous une marche blanche ou une commission pour nous donner bonne conscience? Ou préférerons nous tout simplement prier
un Dieu?
Ce
qui me fait peur, qui me fait trembler, c'est que la voie choisie est
plutôt celle de la pendaison sans jugement, sans compréhension. Le
venin de l'animosité a empoisonné le sang de mon pays, du tien, de
celui de Noredine, de Kim et de tous les futurs détraqués que nous
aurons nous-même créés. Bientôt, nous aussi, nous enverrons des
enfants préadolescents en prison.
En
écoutant Mozart, je pleure. Requiem d'une société pacifique, unie,
soudée qui fait place à l'égoïsme du profit.
À lire également:
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Un meurtrier, d'Anne Löwenthal
Mode d'emploi du petit raciste accompli, de Marie Véja
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