C'est un Brandon
triomphal que j'ai eu ce matin au téléphone. Il était épuisé,
mais heureux. Hier, la manifestation contre l'austérité a été un
franc succès. Les médias corrompus par les banksters parlent de
50.000 personnes, mais il est persuadé qu'ils étaient au moins un million. Le peuple a prouvé que la solidarité est nécessaire.
Comme à son habitude,
c'est au Germinal qu'il a commencé sa semaine de militant. Car cette
fois, c'est la nation qui avait besoin de son savoir-faire. Dès
dimanche soir, les meetings et réunions s'étaient enchaînées. Après
de longues négociations et quelques bières bien méritées, le
planning de la semaine était bouclé.
Lundi, conférence sur
l'Histoire du Socialisme à l'amicale des cheminots avec le Doc.
Mardi, brainstorming sur les slogans percutants. Mercredi, "tous
rouches" au café des sports. Jeudi, festival de la Chanson Militante
avec l'Unisson des Refrains Symphoniques Solidaires. Vendredi, soirée
de préparation au finish (carapils à volonté).
Grâce aux camarades
syndiqués de la S.N.C.B., Brandon et ses camarades ont opté pour le
train. Au départ, ils avaient prévu de s'entasser dans son camping
car, mais ils n'avaient pas réussi à nommer un Bob. Heureusement,
Ayrton eut la présence d'esprit de rappeler qu'en ce jour de grève
nationale, les trains roulaient.
Et oui, c'est aussi cela,
l'amitié qui lie les différentes factions grévistes. Et c'est donc
emmitouflés dans leurs vestes rouges qu'ils sont montés dans le
train vers Bruxelles. À peine dans le wagon, Brandon se leva et
entonna l'Internationale de sa voix rauque mais sensible. Ses
compagnons de combat le suivirent et l'émotion fit couler sa
désormais légendaire larme sur sa joue gauche.
Il était 6h54 et les doux
«pshiiiiiiiiiit» des cannettes rythmaient le voyage vers la Capitale.
Tout était en ordre, le gueulophone, les banderoles et surtout leur
slogan était prêt. «Non Non Non Non Non». Simple, efficace et
très facilement prononçable en cas de biturite aigüe. C'est
d'ailleurs dans cet état qu'ils ont eu leur éclat de génie
mercredi matin vers 4h08.
L'ambiance commençait
tout doucement à monter, les carapils coulaient à flot. À
chaque arrêt de train, des camarades venaient les rejoindre pour
démontrer au Grand Capital que les 99% existent. Petit à petit, des
photos commençaient à être prises, et Brandon se rappela des
consignes de la section locale du Parti: "Alcool discret".
En effet, ce serait
dommage que l'opinion publique pense que c'est un défilé
carnavaleresque composé de chômeurs chroniques venus défendre leur
pouvoir d'achat de bières. Mais Brandon avait tout prévu. Il avait
laissé fermenter une infusion à base de ravini, de porto et de
gueuze framboise toute la semaine.
Il s'enferma dans les
toilettes, sortit son cocktail et une boîte qu'il avait chipée à
Jess. Le bocal était à peine ouvert que l'alcool lui attaqua les
narines. Il trempa le morceau de coton dans le récipient et attendit
quelques instants. Au bout du fil pendait son nouvel
éthylo-booster. Il n'était pas certain que cela fonctionnerait,
mais il devait le tester.
C'est ainsi que pour la
première fois de sa jeune vie, il s'introduisit un tampon imbibé
d'alcool dans l'anus. Des bons souvenirs de Siegfried¹ et des
policiers niçois² vinrent titiller sa libido. Il se rendit compte que
cela lui donnait une érection et que marcher lui procurait beaucoup
de plaisir. La journée allait être magnifique.
L'euphorie le gagnait, et
il évoqua avec nostalgie les grands mouvements sociaux. Il se
rappelait aussi que Mathot et Van Cau étaient les leaders de la Grande Époque. Lorsqu'il se souvint que ce sont maintenant
leurs fils qui ont pris la relève, une deuxième larme est venue
mourir sur sa joue gauche, en solidarité avec la première.
C'était le retour du
socialisme de Papa, et il était fier et heureux de soutenir tout
cela. Lorsqu'il se retrouva au milieu de la foule il se sentit porté
par la mutinerie et c'est au son des «Non Non Non Non Non» qu'il
levait son poing démonstratif. Il était tellement excité qu'il
décida de s'éclipser et de s'enfiler la totalité des tampons dans
le rectum.
Sa jouissance fut brève
mais intense. Il se souvint qu'il avait envie de rouler des pelles à
tout va et que toutes les filles étaient jolies. Il se réveilla, une
fois de plus, entouré de policiers hilares. Il comprit à leur
accent qu'il était de l'autre côté de la frontière linguistique.
Il était à Zaventem, et ils allaient utiliser le dispositif mis en
place pour les mules.
Brandon chanta
l'Internationale avant d'ingurgiter le puissant laxatif.
¹Voir le secret de Brandon
²Voir les vacances de Brandon
Retrouvez toutes les aventures de ce anti-héros sur sa page Brandon, le Wallon.
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