Je suis très étonné de ne pas trouver grand chose ce matin sur l'intervention de la Banque Nationale Suisse sur les marchés des changes. En effet, hier, elle a décidé de réagir «avec toute la détermination requise» pour garder le taux à 1,20 CHF pour 1€. Et pourtant, dès l'annonce, l'Euro a cessé son plongeon. Les spéculateurs se sont refroidis.
Cela fait des mois que la crise de l'Euro fait la une des journaux, mais maintenant qu'une solution est arrivée : motus et bouche cousue! C'est tout de même agaçant de voir les journalistes qui font les gros titres sur le couple S-M avide de fausses déclarations du type «L'Europe va introduire une taxe sur les transactions boursières» mais n'osent même pas une ligne lorsque la situation s'améliore.
J'exagère un peu lorsque je dis que les journaux n'en parlent pas, il y a effectivement trois lignes par quotidien pour indiquer que la Suisse entame un «bras de fer risqué» avec les marchés. Bande d'ingrats. Je sais très bien que l'alarmisme et l'activation du sentiment de peur chez le lecteur permet de faire vendre beaucoup plus, mais ici, c'est tout de même un énorme OUF de soulagement, et cela grâce à nos amis helvétiques. Et bien, moi, je leur dis un grand merci.
Et j'ajoute qu'il est grand temps que nous prenions exemple sur les économistes du pays des montagnes. Depuis plusieurs semaines, les quotidiens suisses faisaient leurs choux gras sur le fait que le franc était trop fort et que le taux de change n'était pas répercuté sur les consommateurs. Les politiques ne se sont jamais emballés et ne se sont pas laissés aller à des phrases chocs créées par leurs agences de communication.
Non, rien de spécial, les élites du pays ont renouvelé leur confiance dans leur partenaires européens et demandaient un peu de patience. Et hier, c'en était de trop. Très efficacement, la BNS a sorti son communiqué et c'en était terminé de la spéculation sur l'Euro. Paf. Sarko, Merkel, Trichet peuvent aller se rhabiller : ils n'ont jamais été capable d'une telle efficacité sur les marchés.
Alors que l'Europe n'est toujours pas capable de parler d'une seule voix, ou alors au travers d'un monologue totalement dénué de sens profond pour ne choquer personne, la Suisse en une seule intervention arrive au résultat attendu depuis des mois par les investisseurs. C'est vrai qu'il est beaucoup plus facile de taper sur la Grèce, l'Espagne, l'Italie ou je ne sais quel autre pays.
Il est diablement intelligent de lancer des faux billets à l'eau pour «symboliser» les aides européennes aux pays défavorisés. Il est également clairvoyant de prêter de l'argent à un taux usurier aux pays dans la dèche en espérant que cela rassure les marchés. L'Europe est la tour de Babel de l'économie, et a la chance d'avoir des alliés bien plus pragmatiques.
Au delà des remerciements il faudrait prendre des leçons. Il y a trois ans déjà, lorsque l'Etat belge offrait un de ses fleurons bancaires à la France, la Suisse a réagi tout à fait différemment aux attaques des marchés et de l'état américain sur le secteur bancaire Suisse et son fameux secret : elle a protégé sa banque UBS en octobre 2008. Moins d'un an plus tard en août 2009, l'Etat helvétique revend ses parts et empoche au passage 1,2 milliards de francs suisses. Ca fait tout de même réfléchir.
Bien que l'opération énergique, et risquée, sur l'Euro est fondamentalement liée aux intérêts économiques de la Suisse, nous devons nous réjouir de cette aide quasi providentielle. Mais une fois de plus, j'appelle à la réflexion, à l'observation et à la remise en question des agissements politiques européens. Comment se fait-il qu'un pays d'un peu moins de 8 millions d'habitants ait été plus influent que la zone euro qui représente 322 millions de citoyens ? 40 fois plus !
Il est grand temps pour l'Europe qu'elle apprenne à parler d'une seule voix, et qu'elle mette un terme à ses compromis politico-politicards qui ne servent qu'à s'auto-congratuler. Il est surtout grand temps que les dirigeants européens cessent de penser à leurs nations respectives, plutôt qu'au bien de la collectivité formée par les nations de cette Union Européenne. Est-ce que Sarko peut imaginer qu'un département de la France décide de bloquer une réforme? Alors pourquoi est-ce qu'il le rend possible en Europe?
L'Europe a en son sein les intellectuels, les cabinets, les chercheurs les plus efficaces. Mais ils sont tous bridés par le politique. Ces hommes et ces femmes pensent Europe, réfléchissent Europe et ont une vision de l'Europe influente et percutante. Malheureusement, les compromis brisent cet élan. La crise de l'Euro est un bien bel exemple, et il y en aura d'autres.
En attendant, c'est raclette, vin blanc et meringues double-crème en l'honneur de la Suisse. Santé.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire