Il y a beaucoup
d'excellents produits belges, mais il y en a une sorte qui a ma
préférence: la bière. Je ne peux expliquer le plaisir intense qui
se dégage aux premières gorgées de cette mousse fraîche et
onctueuse qui arrive dans mon palais. C'est toujours avec beaucoup de
parcimonie que je choisis mon cabaret pour aller déguster ce produit
divin.
J'ai bien dit «divin».
Bien que j'émette de sacrés doutes sur les fameux Dieux
miséricordieux ou ceux qui promettent l'éternité auprès de
vierges effarouchées qui n'attendraient que le vit dressé du
guerrier tombé au combat, je me plie volontiers dans la Foi d'un
Créateur de breuvages de houblon et suis prêt à lui sacrifier
quelques heures sans contrepartie.
Dans cette religion, pas
besoin de promesses de vie éternelle, de Salut, ou de quoi que ce
soit pour après la mort. Ce qui compte, c'est le pendant la Vie. Un
excellent prêtre, par contre, est nécessaire. C'est la raison pour
laquelle le choix du tenancier de la chapelle houblonesque est très
important. Pour célébrer le nectar, il faut des mouvements experts.
Ce que peu de gens
savent, c'est qu'en Belgique, il existe un diplôme pour apprendre à
servir la bière. C'est là que le prêcheur de la bonne lampée va
faire ses vœux et se faufiler sur le chemin vertueux de l'offrande
au pénitent. Grâce aux mains bénies et agiles du tôlier, le
produit des Dieux sera partagé entre les pauvres pèlerins qui se
sont égarés.
Ce don de la part de
l'aumônier permet tout de suite de se sentir pénétré par
l'illumination divine. L'amitié et la compassion entre les croyants
se distille à coups de tournées et de dégustation commune. Pour
rappel, il est d'usage de laisser une donation après la messe. En
cas d'oubli de paiement, des problèmes très terrestres peuvent
apparaître.
D'aucuns pourraient
négligemment ou honteusement hurler à l'apologie de la Secte des
Alcooliques Sociaux. Qu'à cela ne tienne, que ces pauvres mécréants
passent leur chemin et aillent prier pour leur propre chapelle. Il
est même probable qu'une des nombreuses coupes sera bue à leur
santé afin qu'ils découvrent rapidement la route qui mène au
bonheur.
Si je parle aujourd'hui
de cette tradition fraternelle qu'est le don d'une bonne bière à
son prochain, c'est parce que les bières trappistes ont tellement de
succès, qu'elles peinent à satisfaire la demande de leur fidèles.
C'est avec les bras écartés et les paumes tendues vers le ciel que
nous accueillons nos frères parmi nous.
Il est temps de quitter
les marchands de Carapils, de Karsquell ou autre ersatz. Il ne faut
pas hésiter à se détourner des Jupiler, Stella, Maes ou toutes ces
boissons populaires que le grand capitalisme veut nous vendre à des
tarifs irrespectueux de la tradition brassicole locale. Il ne faut
pas hésiter à savourer sa boisson favorite tout en aidant les
autres.
Non seulement la petite
pièce laissée au cafetier lui permettra de vivre sa passion
spirituelo-bibitive aves ses ouailles, mais en buvant une Trappiste,
une partie de cette participation sera reversée aux plus défavorisés
d'entre nous. En effet, pour avoir le label, l'essentiel des
bénéfices des ventes de ce type de bière doit être consacré à
des œuvres de caractère social.
Alors que des fortunes
sont amassées sur le dos des petites gens par des sociétés
multinationales détenues par quelques actionnaires, boire
délicatement une excellente bière permet d'aider les plus démunis.
Une Trappiste brassée par amour par les moines au sein de leur
monastère nous permet de consommer équitablement.
Devant
mon écran, je l'imagine déjà en train d'être versée avec un geste
professionnel et amical. Le liquide brunâtre se répand dans le godet
pendant que la mousse commence à se former. La lie est délicatement
mélangée, et le dôme vient se former harmonieusement.
J'entends
les tintements des verres qui se cognent, je hume l'odeur de zinc, et
je me remémore les chants liturgiques célébrant ces rituels sacrés. Les
camarades qui rient dans la Joie et le Bonheur terrestre grâce à cette
bienfaisance touchée par la bénédiction céleste. Il est temps que
j'aille à la Messe.
Benoît, une Trappiste,
une!¹
¹Ce billet est dédicacé à mon ami Benoît, tenancier de la Régence à Soignies, juste à côté de la collégiale. Son service de la bière et ses efforts pour nous présenter des produits excellents méritent un détour.
¹Ce billet est dédicacé à mon ami Benoît, tenancier de la Régence à Soignies, juste à côté de la collégiale. Son service de la bière et ses efforts pour nous présenter des produits excellents méritent un détour.
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