jeudi 1 septembre 2011

La rentrée des cancres

Madame Simonet, la Ministre de l'enseignement obligatoire m'a bien fait rire ce matin : « Nous allons mettre en place un vaste projet visant à inciter les équipes pédagogiques à ne plus pratiquer le redoublement en cours de cycle ». Quelques lignes plus loin, évidemment, le lecteur apprend que cela va se faire sans moyens supplémentaires. Pour ceux qui n'avaient pas suivi, cela fait tout de même 15 ans que ce type de projet est sur la table.

Tout ce que j'arrive à en conclure, c'est que Tatie Jojo, qui a enfin quitté son strapontin de mégalo-dictatrice-chrétienne-féministe, a monopolisé les éditos et qu'il fallait bien faire parler de madame Simonet avec un gros titre pour la rentrée. La ministre convoque son cabinet, fait rapidement un tour de table, et ressort un sujet mille fois évoqué. Un petit rappel du manque de financement, une phrase choc, et les loyaux journalistes de la Libre ont leur titre du jour « Vers la fin du redoublement ».

Après le sourire matinal, je commence à grincer des dents. Ce n'est pas le projet en lui même qui me gêne, mais bien cette attitude pseudo-scientifique méthodique de « il faut faire quelque chose, mais je n'ai pas les moyens, donc je lance des idées communes. Au fait, cher porte-parole, ça fait vendre ? ». Dans mon jargon de bas-quartier, cela s'appelle tout simplement de la masturbation intellectuelle.

Venons-en sur le fond. L'idée en soi est déconcertante de génie : il faut arrêter de faire redoubler les élèves car cela les traumatise et en plus cela coûte cher à la société. Ce dernier point est un détail, bien sûr. Elle est comme moi, la Minissssssss, elle est fière d'enfoncer des portes ouvertes. Mais donner les moyens à cette réussite, non, cela n'est pas possible. «Il faut inciter, insuffler, essaimer. Parce que le « non-redoublement » cela ne se décrète pas». Et paf.

Pour être certain de faire une génération d'attardés et de continuer à niveler par le bas, cette méthode de fausse réussite va commencer avec les 5-8 ans. En gros, en fin de première primaire, lorsque notre chère tête blonde ne saura toujours pas faire la différence entre une lettre et un chiffre, et bien elle passera quand même dans l'année suivante. Où, bien entendu, elle réussira à lire des phrases et des nombres d'un coup de baguette magique aidé par la grâce du bon air iodé de la mer du Nord lui même lié à un mystérieux mirâââââââcle religieux.

En fait, quand je dis « tête blonde », je pense que je dis une grosse bêtise. Je vais caricaturer, mais est ce que vous croyez que c'est Charles-Edouard de la Forêt de Bourgeoisie avec ses deux parents universitaires ou plutôt Rachid Niktamère avec ses parents juste réfugiés qui aura des problèmes de lecture? Tiens donc, la réponse vient de soi. Un pas de plus vers l'école de l'égalité est en train d'être franchi. Merci, madame la Ministre.

Plutôt que de faire des déclarations fracassantes, si nous réfléchissions réellement un petit peu, utilisons notre cerveau juste quelques instants. Nous sommes au XXIème siècle, et des solutions existent. Pour une fois, l'Europe peut nous aider. Si nous prenions le meilleur de chaque pays, nous pourrions rendre notre système éducatif le plus performant de la planète, mais il faut de la volonté et une bonne dose d'idéalisme. Et, accessoirement, arrêter de dire des conneries.

Le Danemark est à la pointe de la recherche en groupe et de «l'apprentissage sans avoir l'air d'apprendre». Dans ce même type de vision, il est possible de pointer la pédagogie Freinet . Au Luxembourg, à 12 ans, tous les enfants sont trilingues. Et pendant ce temps, au même moment, chez nous, en Belgique, une école rajoute une heure de langue étrangère par trimestre et une sortie au zoo d'Anvers pour avoir le droit de décréter qu'elle est en immersion. Comique, non ? Non.

Nous savons également, que le problème de manque de motivation scolaire est lié à l'environnement socio-économique. Et il n'y a pas besoin de commander une millième étude là dessus, c'est un fait avéré. Nous savons également que les écoles des devoirs donnent des excellents résultats. Pourquoi ne pas investir dans de telles démarches ? Ce n'est pas une solution non plus ?

Ah non, c'est vrai, il vaut mieux interdire les devoirs afin... de diminuer les inégalités face au travail fait à la maison. C'est possible également d'interdire à notre petit Charles-Edouard d'avoir une bibliothèque dans sa chambre, de lire le soir et de regarder le journal télévisé aux côtés de ses parents. Peut-être peut-on lui imposer de suivre la « Roue la Fortune » aussi ou l'obliger à regarder RTL une heure par jour ?

La ministre admet elle-même que la moitié des enfants qui redoublent sera à nouveau en échec avant la quatrième primaire. Décidément, elle les aime bien ses portes ouvertes enfoncées... Mais est-ce qu'ils redoublent parce qu'ils ont déjà redoublé ? Ou simplement, comme je le pense, parce qu'ils ne savent pas lire ? N'est-ce pas donc à cela qu'il faut remédier ?

Est-ce qu'un enfant qui ne sait pas lire est capable de faire des conjugaisons, de comprendre les problèmes de mathématique ou les exercices qui sont écrits au tableau ? Et s'il ne sait pas lire, juste lire, est il capable d'écrire les réponses à ces mêmes problèmes ? Et enfin, est ce que s'il est en troisième primaire, le programme éducatif ministériel lui permettra de combler ses lacunes ? En gros, si en fin de première l'enfant ne sait pas lire, madame la ministre ferme la porte à l'apprentissage de la lecture. Je sais, je schématise.

Dès qu'un enfant sera en situation d'échec, il y aura toujours la possibilité de nier la cause et de parler du traumatisme du redoublement. Mais il y aura aussi toujours l'autre possibilité, c'est celle de s'attaquer au problème et de lui donner la solution. Et pour notre élève en difficulté, c'est juste lui apprendre à déchiffrer des mots, pour qu'il puisse en apprendre d'autres. Et qu'il puisse avoir la joie d'apprendre à apprendre. Je ne connais aucun enfant qui n'aime pas apprendre.

En investissant sur un enfant de 5 ou 6 ans, la société se donne la chance d'avoir un return durant 70 ans voire 80 ans ! Sans oublier que ce même enfant aura la chance d'aller beaucoup plus loin dans ses études, car son instituteur dévoué, avec les moyens mis en place par l’État, lui aura simplement appris à lire et à compter. Rien de plus. Est ce que c'est si cher que cela l'éducation de nos enfants ?

Une petite question, au passage, ça coûte combien d'aller guerroyer en Afghanistan ou en Lybie?

4 commentaires:

  1. En même temps, si des idées intelligentes émanaient des ministres de la C.F., ça se saurait... En tous cas, cette déclaration couplée avec celle des enfants pouilleux qui ne peuvent plus être écartés durant le traitement (traumatisme, toujours et encore...), on a droit à un rentrée en grande forme... Quelle bande d'inutiles quand même !

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  2. pour les poux, je mettrai juste un bémol : un traitement et c'est réglé. Pour le reste, effectivement, une bien belle rentrée.

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  3. Et il faut rajouter que les programmes ne sont pas identiques en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles !

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  4. Je pense d'ailleurs qu'un des gros problèmes de l'identité Belge, c'est que les cours d'histoire sont différents. Et le message officiel de l'État devrait pourtant être le même. Mais ce n'est qu'un détail parmi tant d'autres dans notre petit pays...

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