samedi 22 octobre 2011

L'orthographe de Brandon

Comme chaque samedi, c'est avec beaucoup d'impatience que je tape le numéro de Brandon sur mon téléphone. Ce matin, il m'a fallu plusieurs tentatives pour le réveiller, et lorsque ses grognements sont parvenus jusqu'à mes oreilles, les effluves de l'alcool ont court-circuité nos appareils électroniques.

Heureusement, il avait une anisette à côté de son lit et il a pu faire un bain de bouche rafraîchissant avant que nous ne puissions entamer notre conversation hebdomadaire. Brandon s'excusa de ne pas s'être réveillé, mais il a une nouvelle sonnerie de téléphone et il avait l'impression d'être en concert. En même temps, il faut le comprendre, il n'a pas l'habitude de se lever avant midi.

Je lui demande donc si il a toujours l'intention de devenir prof d'histoire, et c'est avec une grande joie mêlée à de la compassion inspirée qu'il m'apprend que oui, il veut se préparer pour la rentrée 2012. Il en a d'ailleurs parlé à Dora l'institutrice, son ex. Bien qu'elle soit sceptique, elle lui a dit que d'abord il devait apprendre à écrire.

C'est ainsi qu'il fonça au «Germinal» et décida d'aller rencontrer celui qui était surnommé «le Doc». C'était lui qui avait été le plus loin dans ses études. En effet, il a été à Louvain-la-Neuve. Il a même réussi à rentrer à l'Université. C'est vrai qu'au bout de quatre premières, il est revenu la queue entre les jambes dans sa région natale, mais au moins, il avait tenté sa chance.

«Le Doc» a une quarantaine d'années. C'est une personne vraiment à part, personne ne sait vraiment ce qu'il fait. Il se dit même qu'il n'a pas sa carte de la FGTB. Il passe dans toutes sortes de boulot, depuis l'animation, jusque barman, il a beaucoup voyagé, mais est toujours revenu boire sa St-Feuillien à Warquignies. En tous cas, il a toujours un livre près de lui.

Brandon et ses amis aiment lui demander conseil. Il les aidait à progresser, et une solution était trouvée pour leur lacunes en écriture. Lorsque l'on veut apprendre quelque chose, il faut de la motivation. Comme le singe de Pavlov qui guidait les rats dans une cage électrique: il faut récompenser plutôt que de sanctionner. En plus, en groupe, cela marche beaucoup mieux.

«Le Doc» lui expliqua que tout seul, il va vite abandonner, mais que s'il se fait aider par ses amis, et que s'il arrive à les emmener dans cette démarche, c'est tout l'ensemble de leur petite communauté de franche amitié qui va en sortir par le haut. C'est une circonstance unique où leur groupe de référence pourrait se retrouver dans une situation positive transcendée par la réussite.

Brandon en retint le principal: pour apprendre à écrire, il avait besoin d'un bac de carapils. Il en profita pour commander deux St-Feuillien mais «le Doc» arrêta Christian, le barman, dans son élan. Et regarda Brandon en lui tendant un sous-verre et un bic: dorénavant, les commandes se feraient par écrit. Si c'était bien écrit, il avait droit à sa collation.

Christian glissa un clin d’œil au «Doc» et c'est ainsi que toute l'équipe de joyeux lurons commença a apprendre les joies de l'écriture par la motivation. Comme notre tenancier avait une bonne cinquantaine d'année, il avait très bien appris a écrire le français, et donc, c'est avec beaucoup de plaisir et d'abnégation qu'il se transformait en correcteur d'orthographe.

Comme nos amis n'avaient pas beaucoup d'autres choses à faire de leurs journées, les progrès furent fulgurants. Aujourd'hui, ils savent même que l'on peut écrire cacahouète ou cacahuète, ou encore chips et non tchips, et il y en a même qui se lancent à lire la Nouvelle Gazette ou la DH à haute voix. C'est cela aussi, la solidarité dans le Hainaut.

Mais Brandon a même réussi à convaincre Dora à venir jouer avec eux hier soir. Après quelques tournées de démonstration, elle a eu droit à jouer avec eux aux «défis de l'orthographe». Chacun donnait un mot, et il fallait l'écrire sans faute. Le dernier à le faire payait la tournée. Au bout de quelques pils, Dora proposa la version «Strip».

Non seulement il fallait régler l'addition, mais en plus, il fallait retirer un vêtement. Presque tout le bistrot avait déjà tâté la voluptueuse poitrine de la belle institutrice, mais la regarder se déshabiller elle même, était le comble de l'inspiration orthographique. Tandis que les hommes étaient tous presque nus et saouls, et qu'elle était encore toute habillée, Brandon décida de jouer un joker.

Il proposa un dernier défi à Dora: il a droit à un seul mot, et si jamais elle ne l'écrit pas correctement, elle doit faire un strip-tease intégral, et ils peuvent même un petit peu la toucher. Les quelques jus de houblon ingurgités la déridèrent, et elle leur proposa même de leur faire une turlute si elle ne réussissait pas. Par contre, elle demanda un mot utilisé régulièrement, dans la vie de tous les jours, et orthographié correctement par tous les participants.

C'est ainsi qu'elle épela «Hougaarden».


Tous les épisodes de la vie de notre anti-héros sont sur Brandon, le Wallon.

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