Cela fait des semaines
que je me dis qu'il faudrait que je recommence à faire vivre mon
blog. Avec toute l'actualité politique et économique, de nombreuses
frustrations provoquées par les mauvaises
décisions de nos dirigeants me donnaient l'envie de hurler, mais je
n'ai pas pris le temps. Quelle tristesse aujourd'hui d'avoir le
besoin de m'exprimer suite à un décès.
À
presque quarante ans, je m'étais lancé dans le défi de reprendre
des études. Pas n'importe lesquelles, non, celles qui me
permettraient peut-être de changer quelque chose au sein du système
ne fut-ce qu'en étant capable de l'analyser. C'est ainsi que je
reçus
un accueil favorable au sein de la faculté de sciences sociales
et politiques de l'ULB.
Ce
n'est pas tous les jours facile d'être un étudiant en jury central.
C'est à dire qui suit les cours à distance et ne présente que les
examens. Comme beaucoup d'étudiants, tout compte fait, c'est vrai.
Mais ce n'est tout de même pas évident tous les jours de
s'accrocher malgré le confort quotidien du salaire, de la famille,
des amis.
Il
est pourtant des professeurs qui vous donnent cette énergie pour ne
jamais flancher. Des enseignants qui sont capables de transmettre
leur savoir tout en vous poussant à continuer vos recherches
personnelles. Il en est même qui veulent que vous soyez encore
meilleur parce qu'ils croient
en vos capacités.
Monsieur
Remacle était de ceux là. Depuis le premier jour où je l'ai
contacté pour expliquer que j'étais dans une situation
particulière, depuis le tout premier mail, il m'a aidé, il m'a
soutenu, il m'a encouragé. Non seulement pour réussir ses cours,
mais mon parcours universitaire. Je sentais que c'était important
pour lui que je réussisse.
Quand
je dis réussir, ce
n'est pas suffisant. Il m'a fait avancer vers des nouveaux horizons,
il m'a permis de voir des nouveaux aspects, il a eu confiance en moi
et dans mes travaux de politologue en formation. Il a compris que
malgré mon âge, la passion
était présente qu'il y avait beaucoup plus qu'une simple réussite
qui m'animait.
Je
suis convaincu qu'il y a d'autres professeurs de sa trempe au sein du
département, de l'Université. Seulement, avec Monsieur Remacle,
j'ai eu l'occasion d'échanger beaucoup. Cela faisait quatre mois
qu'il me guidait quotidiennement pour les travaux pratiques, quatre
mois que j'attendais avec impatience son commentaire sur mon analyse
de l'actualité.
J'ai
été marqué par ses encouragements à continuer. Il parvenait à
tirer le meilleur de moi, c'était une relation étudiant-professeur
enrichissante, épanouissante, grandissante. Chaque semaine, je
ressentais la nécessité de faire mieux que la précédente.
Lorsqu'il m'avait corrigé, j'avais soif d'en connaître encore plus.
Il
était comme cela, ce Monsieur. Étonnamment, j'ai eu la chance de le
rencontrer à Genève, à l'institut Européen. J'y ai passé un des
tests avec lui. De ce
rendez-vous, c'est surtout la demi-heure de discussion qui m'est
restée. Le quizz
n'était qu'une formalité nécessaire, mais il a pris le temps de me
rencontrer.
Je
suis ressorti de l'entretien prêt à encore améliorer mes travaux,
à essayer d'atteindre l'excellence. Tout autant que ses courriels
quotidiens, ces paroles donnaient envie d'aller plus loin. Il restait
encore deux mois, mais il m'avait réconforté, conseillé,
encouragé. J'avais ressenti qu'il voulait que son élève s'élève.
Je
l'ai revu une dernière fois il y a dix jours. (Quelle horreur de
savoir ce qu'il se cache dans le mot « dernière » que je
viens d'utiliser.) Le travail final devait être rendu avant-hier,
mardi. Je lui ai envoyé dans la nuit de mercredi vers 4h. À 10h30,
j'avais déjà sa réponse. J'avais atteint l'objectif, pardon, nous
l'avions
atteint.
Cette
énergie, je l'avais dépensée
avec lui, pour lui. C'était plus qu'un professeur, c'était un
exemple, un guide, un booster de connaissances.
Au travers ce témoignage, je voulais dire à quel point c'était un
grand Professeur.
Hier,
je lui écrivais « Encore merci pour votre aide et l'adaptation de
votre enseignement à ma situation d'étudiant en jury central.
J'espère à très bientôt. » Je m'attendais à le retrouver
une autre année, j'étais impatient d'encore apprendre, de le
revoir, de l'entendre, de l'écouter à nouveau, de lui parler,
d'échanger avec lui.
Hier
soir, « à bientôt » est devenu « à jamais ».